Le décor ornemental dit «rocaille» à Gençay

     Deux sites importants de décor rocaille existent à Gençay. L’un Place du Marché, voisin du Logis des Trois Marchands, l’autre, rue du Palateau, où fut l’entrée de l’ancien garage Lajoie pour ceux qui l’ont connu.

     On peut y voir de magnifiques troncs d’arbres réalisés en ciment de deux couleurs, plus foncé pour l’écorce, plus clair pour le bois qui encadrent les entrées. La partie de mur qui relie les troncs est terminée par un chaperon imitant l’écorce. Les artisans ont imité d’une manière hyperréaliste, l’arbre dans tous ses détails. Selon les renseignements collectés ces deux sites seraient l’œuvre de l’entreprise Lagarde-Lageon, entreprise de plâtrerie et ciment qui exerçait à Gençay dans la première moitié du 20e siècle. Le décor de la Place du Marché était une véritable enseigne placée devant la maison à M. Lagarde. D’autre part, la cour de sa maison, située derrière le mur possédait aussi un décor du même type, ornant un bassin d’eau où évoluaient des poissons rouges. Mais ce dernier a disparu.

     Histoire du décor rocaille:

     Définition. On appelle rocaille un ouvrage ornemental qui imite les rochers, les pierres naturelles, le bois, qui est parfois accompagné d’éléments architecturaux ou d’objets, voire de personnages réalistes ou inventés.

     Le rocailleur est le cimentier spécialisé dans la confection de rocaille.

     Ces deux termes sont apparus au début du 17ème siècle.

     De la Renaissance à la fin de l’âge Baroque, le constructeur d’architectures rustiques, grottes et rochers artificiels joue un rôle majeur.

     Les rocailleurs du 19ème siècle, ces cimentiers d’origine italienne, étaient les héritiers des artisans qui pendant la Renaissance avaient construit les grottes artificielles et les monstres grotesques de Bomarzo ou du jardin de Boboli à Florence.

     Au 19ème siècle, le jardin de rocher connut un succès grandissant dans toute l’Europe, favorisé notamment par le tourisme des paysages de montagne.

     En 1824 en Angleterre, un brevet avait été pris sur la fabrication d’un liant à partir d’un mélange de chaux et d’argile. Il fut nommé ciment de Portland, un ciment naturel de qualité supérieure. Une fois pris, il avait la couleur de la pierre. Cette caractéristique permettra par la suite aux rocailleurs, de jouer sur les tons du décor comme on peut le voir dans les réalisations de Gençay.

     Le ciment armé a révolutionné la construction et le génie civil. Cependant, il n’est pas né –comme on pourrait le croire – dans le cerveau d’un ingénieur diplômé mais, de l’expérience d’un jardinier. Comme il était de mode dans les années 1850, il faisait des rocailles en jetant du ciment sur des grillages. Il se rendit compte que ce matériau était à la fois étanche et imputrescible. Il l’utilisa à la place du bois pour les caisses à fleurs. Il s’aperçut alors que ce matériau avait une grande résistance. Il réalisa des bacs, d’abord petits puis, plus grands, puis des citernes, bientôt des poutres, des ponts…

     Cette lente mise au point s’étala sur une douzaine d’années.

     En France, l’apparition du ciment artificiel amèna la naissance de la rocaille moderne par l’expérimentation qu’en firent des jardiniers et des maçons. Ils réinventèrent ainsi, à partir du milieu des années 1840, le savoir faire des rocailleurs.

      Les Expositions Universelles contribuèrent largement à la création d’un modèle de jardin «french style» dont le prototype fut sans aucun doute les Buttes-Chaumont.

     Elles marquèrent la reconnaissance d’un savoir-faire français, dans le domaine du jardin paysager et tout particulièrement dans l’art des faux rochers et du ciment rustique.

     Une dernière réalisation existe encore dans la commune. Pour la voir, il faut se rendre au cimetière. Il s’agit de la tombe de M. Lerpinière, le gestionnaire de la turbine qui produisait l’électricité du bourg, qui périt accidentellement dans son installation. Cette sépulture est située dans la partie ancienne du cimetière proche de l’entrée de la route d’Usson. Curieusement, on n’est pas en présence d’une réalisation de rocaille en ciment mais d’une copie de rocaille réalisée par le tailleur de pierre, auteur de ce modeste monument. Cependant, elle reprend en tous points la technique du décor rocaille par l’imitation du bois et du rocher.

     On peut trouver deux autres tombes ornées de la sorte dans le cimetière de Saint-Maurice. Mais, visiblement, elles semblent d’une autre main que celle de Gençay.

Jean-Jacques Chevrier