Ou comment le seigneur de Gençay, faillit faire échouer la deuxième croisade...
 
Avec plusieurs barons du Poitou, d’Angoumois et de Saintonge, il se ligua et guerroya toujours sans succès, contre le comte d’Angoulême, Vulgrin III de Taillefer. Le comte assiégea le château de Montignac, que défendaient Ithier de Villebois, Bardin de Cognac, Hugues de Lusignan, Geoffroy de Rancon et d’autres ennemis puissants. Il s’en empara avec l’aide de Guillaume, duc d’Aquitaine, malgré la vigoureuse résistance que lui opposèrent ses défenseurs, et il en fit hommage à l’évêque Girard comme étant de sa mouvance.
 
Geoffroy prêta encore son appui à Ithier de Villebois, qui sous prétexte de droits qu’il avait à faire valoir sur une portion d’Hélie de Cognac. Ithier tenait une forte garnison dans le château et paraissait peu disposé à se dessaisir de sa conquête. Il ne restait que la tour dite des Poitevins dont il n’avait pu s’emparer.
 
Vulgrin rassembla des troupes et parut bientôt dans le pays de Villebois. A la nouvelle de son approche, les usurpateurs furent effrayés. Ithier et Geoffroy de Rancon, abandonnant aussitôt le siège de la tour des Poitevins prirent la fuite, et Vulgrin, devenu maître du château sans combat, y rétablit Hélie de Cognac, fils de Bardin.
 
Geoffroy accompagne le roi dans la deuxième croisade.
La prédication de la deuxième croisade vint mettre pour quelques temps, un terme à ces guerres féodales qui désolaient la province. L’empereur Conrad et le roi Louis VII prirent la croix.
Avec le roi de France partirent pour la Palestine un grand nombre de barons, parmi lesquels se trouvaient les plus vaillants seigneurs de l’Angoumois et de la Saintonge.
 
Geoffroy de Rancon jouissait déjà d’une grande réputation de bravoure. Son rang, son illustration, ses talents militaires le firent bientôt distinguer par Louis VII, qui lui confia un commandement important lorsque l’armée, au sortir de Laodicée, prit le chemin des montagnes pour marcher au-devant des Tucs. C’est là que, dans une fatale journée, Geoffroy de Rancon, par son imprudence, perdit sa réputation militaire, causa un irréparable désastre et appela sur sa tête les malédictions et les imprécations de toute l’armée chrétienne (janvier 1148).
L’armée était divisée en deux camps qui marchaient, pour se soutenir, à peu de distance l’un de l’autre entre des rochers et des précipices. C’était le chemin difficile des montagnes qui séparent la Phrygie de la Pisidie.
 
Le roi donna le commandement de l’avant-garde à Geoffroy de Rancon, avec ordre exprès de s’arrêter sur les hauteurs pour attendre le premier corps. Geoffroy portait la bannière royale et l’oriflamme de Saint Denis. L’armée, une fois réunie, devait descendre dans la plaine et présenter la bataille aux infidèles. «Et en ceci (s’écrie l’historien de la croisade de Louis VII), nous avons à garder une éternelle rancune contre Geoffroy de Rancon que le roi lui-même avait envoyé en avant avec son oncle le comte de Maurienne».(1)

Geoffroy, oubliant les ordres qu’il avait reçus, abandonne son poste et livra ainsi les hauteurs aux Turcs, qui bientôt prévenus par leurs espions, les couronnèrent à l’instant de toutes parts.
 
On prétend que la reine Éléonore (Aliénor), qui se trouvait aussi à l’avant-garde, restée avec sa cour au pied des rochers sur lesquels Geoffroy se tenait en observation, aurait eu pitié du chevalier destiné à passer une mauvaise nuit, et l’aurait engagé à venir trouver les dames et les jeunes seigneurs qui l’entouraient. La galanterie fit oublier la prudence, et Geoffroy, par sa désobéissance, compromit le succès de l’expédition et le salut de l’armée.
Les Turcs en effet, tombèrent sur le corps de bataille séparé de l’avant-garde et le détruisirent presque en entier. Le roi courut les plus grands dangers et ne dut la liberté et la vie qu’à des prodiges de valeur (2).
 
Geoffroy de Rancon, «ce messager de mort et de dommage» (3), remplacé dans son commandement par Evrard des Barres, grand maître de l’ordre des Templiers, perdit la confiance du roi; mais le peuple, que ne satisfaisait point cette disgrâce, demandait à grand cris qu’il fut pendu pour avoir désobéi aux ordres qui lui avaient été donnés relativement à la marche de la journée. Peut être le peuple eut-il aussi voulu que l’on pendit Jean de Maurienne pour avoir commis la même faute, mais celui-ci du moins, protégea Geoffroy contre la vindicte publique.
Tous deux étaient coupables, on épargna l’oncle du roi, il était impossible de condamner l’autre (4).
 
Geoffroy de Rancon mourut après son retour en France, en laissant deux filles et un fils. Bourgogne épousa Hugues VIII de Lusignan, fait prisonnier en Palestine, à la bataille de Harenc, en 1165. Berthe fut mariée à Guillaume Maingot, sire de Surgères, qui, devenu veuf, fit en 1177 une donation de diverses rentes à l’abbaye de l’Absie pour le repos de l’âme de son épouse. Geoffroy succéda à son père.
 
(1) Odon de Dueil, Histoire de la Croisade de Louis VII, Liv. VI.
(2) Guillaume de Tyr, Histoire des croisades, Liv. XVI. – Odon de Deuil, Liv. VI.
(3) Odon de Deuil, Histoire de la Croisade de Louis VII, Liv. VII.
(4) (id)
 
(Documentation: Histoire e la Marche et du pays de Combrailles par Joullietton)