Le château féodal

Comment le roi Charles V confisqua le château de Gençay

 
     C’est la Guerre de Cent Ans. Après la bataille de Nouaillé, le 19 septembre 1356, le Poitou est soumis aux Anglais.

     En 1356, Gençay appartenait conjointement à Bouchard VIII de l’Isle-Bouchard, à son frère Barthélémy et à sa soeur. Mais ce 19 septembre 1356, lors de la bataille de Maupertuis, Bouchard et Barthélémy connurent le même sort que le roi Jean Le Bon, et furent capturés par les Anglais. Le prince de Galles donna Gençay et sa châtellenie composée de vingt-huit fiefs à son fidèle chevalier Adam Chel, sieur d’Agorisses qui investit la place de Gençay et se chargea de fortifier les lieux, tenant tête à tous ceux qui tentèrent de lui reprendre.

     Bouchard VIII, dépossédé de tous ses biens, partit en pèlerinage en Terre Sainte en 1362 et ne revint jamais.

     Début 1360 Radegonde Béchet, veuve pour la troisième fois, se remarie avec Adam Chel d’Agorisses, gouverneur anglais du Château de Gençay. Selon les documents, celui-ci s’illustra lors de nombreuses batailles sous la bannière du roi d’Angleterre. Ses aventures furent racontées en détail par Jean Froissart dans ses chroniques. Très rapidement, il devint l’ennemi déclaré du roi de France. En effet, le roi d’Angleterre et son fils faisaient ouvertement la guerre à la France. Pendant ce temps, Adam Chel et Radegonde de Morthemer ne cessaient de rançonner, de piller et dérober les sujets du roi de France. Ils boutaient le feu et commettaient tous les maux qui peuvent être perpétrer en temps de guerre. A eux deux, Adam et Radegonde se retrouvaient à la tête de plusieurs châteaux. Ainsi, Radegonde devint dame de Morthemer et de Gençay.

     Elle marie sa fille Catherine, âgée de 14 ans, avec un chevalier anglais, Jean Herpedenne, veuf de Jeanne de Clisson.

     Le 2 mars 1370, le roi de France Charles V octroyait Gençay au chevalier Jean de Villemur. Deux jours plus tard, par une autre charte, le roi cédait la forteresse à Louis de Malval, sieur de Châtelus dans la Marche. C’était un don sans conséquence puisqu’Adam Chel occupait fermement Gençay avec sa garnison. Comme le suggère et l’écrit l’archiviste Paul Guérin, « peut-être le roi voulait-il seulement intéresser deux chevaliers entreprenants à la reprise de cette place forte ».

     Un document inachevé daté d’avril 1370 nous apprend que le roi dépouilla Adam Chel et son épouse de tous leurs autres biens qui valaient environ 1000 livres de rente. Cette fois, il leur enlevait les places de Montmorillon, Morthemer et Gençay. Une dépossession bien sûr purement virtuelle, puisque eux-mêmes ou leurs gens occupaient toujours les places en question.

     Adam Chel occupa Gençay durant dix neuf ans, et libéra la place en 1375 après deux ans de siège ininterrompu. Après la reddition des anglais à Du Guesclin, en 1375, Charles V confisque Morthemer et Gençay qu’il offre au Duc de Berry. Si Charles V a confisqué les biens de Morthemer et de Gençay, c’est parce que Radegonde et Catherine n’acceptent pas de reconnaître son autorité. Elles s’exilèrent en Angleterre avec leurs maris. Devenues veuves, c’est Catherine qui reviendra en France, pour faire valoir ses droits sur les propriétés de Morthemer et de Gençay. Le Roi consentit de lui donner satisfaction pour Morthemer, sous condition qu’elle se marie avec un français, compagnon du Duc de Berry : Etienne d’Aventois, seigneur de Saircergue et de Merry et qu’elle renonce à ses droits sur Gençay au profit du Duc de Berry.

     (Extrait de l’exposé présenté lors de la réunion du 16 avril 2005 de l’Antenne Francilienne à Paris du Cercle Généalogique Poitevin, par Yvette Bourumeau-Dupuis.)