Julien Bost Lamondie
Le veneur qui chassait les loups avec des demi-loups et donnait à la chasse les dimensions du rêve
Julien Bost-Lamondie naquit le 5 janvier 1873, à Plaisance, au sud du département de la Vienne. Là, non loin, à Persac, vivait le vicomte de La Besge, célèbre chasseur de loups dont les exploits bercèrent son enfance. Il était le fils de Félix-Marie Bost-Lamondie, notaire, qui s’installa comme juge de paix à Gençay en 1893. Sa mère était Joséphine Blondet-Desbordes. Julien Bost-Lamondie passa toute sa vie dans notre commune. Il était le neveu de Alfred Cirotteau qui deviendra maire de Gençay.
Il aurait dû devenir notaire comme son père et toute une lignée d’ancêtres notaires royaux. Mais, ses études de droit terminées, il n’exerça jamais cette profession. Il choisit, avant toute autre voie, la chasse.
En 1893, il rejoint le Rallye-Brion, et ses maîtres expérimentés, André Pineau, docteur à Gençay, et Alfred Cirotteau, lieutenant de louveterie. A cette époque, ils chassaient le lièvre avec de petits bâtards poitevins soigneusement sélectionnés. Excellente école pour le veneur de vingt ans.
Julien Bost-Lamondie était très grand, très blond avec des yeux très bleus. Il était un cavalier intrépide. Toute sa vie, il fut féru de poésie.
En 1902, le docteur Pineau cessa la chasse. Julien Bost-Lamondie devint maître d’équipage du Rallye-Gençay. Avec son ami Henri Lavergne, il décida de maintenir les chiens uniquement dans la voie du loup. La meute est alors d’une vingtaine de bâtards poitevins et anglo-poitevins. Après 1906, leur furent adjoints des métis nés de la louve « Montrée » et du chien « Qui-Vive ». Un homme à cheval sert l’équipage. C’est avec cet ensemble que Julien Bost-Lamondie va chasser, uniquement le loup, jusqu’à la guerre de 1914.
Il fit toute cette guerre en première ligne, comme mitrailleur. Il en revint avec la Croix de Guerre et deux citations à l’Ordre de l’Armée.
Après la guerre, il reforme le Rallye-Gençay. L’équipage est composé de vingt cinq poitevins très racés. Une particularité de sa meute fut que, mêlés à ses chiens, on y trouvait des demi-loups qu’il avait obtenus par le croisement d’une louve et d’un chien d’équipage de haute lignée poitevine. Après de longues séances de dressage préalables, il avait obtenu de sa meute que ses demi-loups ne chassent que le loup qu’ils savaient trier parmi les voies d’autres animaux sans jamais se laisser égarer.
Parmi le lot de tous ses chiens, il eut un auxiliaire aux qualités de premier ordre, un chien de loup légendaire dans tout le pays : « Gençay ». Bien ramassé, vingt-trois pouces, tricolore à taches espacées, court, possédant de très bons aplombs, une encolure sans fanons, la tête poitevine avec de grands yeux très expressifs. Ses qualités de chasse en firent un chien hors de pair. Il avait le don, dès qu’il donnait de la voix, de rassembler tous les chiens de la chasse, même les plus paresseux. Il était doué d’un nez très fin et d’une belle gorge, d’un train énorme et soutenu.
Pour Julien Bost-Lamondie, Gençay fut le centre de son territoire de chasse qui s’étendait dans un rayon de cinquante kilomètres autour soit environ, cent cinquante kilomètres carrés.
Dès 1905, devenu lieutenant de louveterie, sa présence était ardemment réclamée par les habitants des campagnes pour qu’il les délivre de l’ennemi de leurs moutons, de leur volaille et de leurs chiens. Cette année - là, il aurait fait, selon ses notes, plus de quarante chasses.
En 1919, le Rallye-Gençay fit sa dernière chasse au loup dans le Bois des Coussières, entre Anché et Marnay. Après 1920, le loup a disparu. Il prit la voie des grands animaux, cerfs et chevreuils et parfois sangliers et renards.
Au cours de la seconde guerre, Julien Bost-Lamondie réussit à conserver quelques chiens et remonta son équipage en 1945. Comme louvetier, il dut détruire de nombreux sangliers et ce, jusque vers 1955. Par la suite, il continua d’élever des chiens avec science, et jusqu’à 90 ans, suivra les chasses à cheval à l’Equipage de Touffou.
Dans sa 91e année, il eut une fin à la mesure de son personnage. De retour de l’une de ses sorties quotidiennes, il est foudroyé par une attaque. Toute la nuit, il entendit son cheval passer et repasser au-dessus de lui, précautionneusement. Il décèdera le 23 août 1963 à Montmorillon, il était veuf de Jeanne Marguerite Bolley dont il eut trois enfants.
(Renseignements puisés dans l’ouvrage Ecoute en Tête ! Ed. La Pigache, 1990 : Illustrations de Christian de Verteville, peintre animalier.)